Le « DIGITAL » ! Impossible d’ouvrir le moindre journal ou de lire le moindre article sur internet sans qu’au détour d’une phrase, le mot fatal apparaisse ! Avec, bien entendu, aucune explication sur ce qu’il signifie.
Le plus amusant (ou déprimant, c’est selon l’humeur), c’est quand il est associé au mot « transformation », on atteint alors le comble du sublime poussé au paroxysme de l’intemporel (merci Elie Kakou, grand visionnaire des choses étranges)
Réfléchissons deux secondes au sens des mots. Faut-il y voir une transformation de nos doigts ? Il est vrai que les jeux vidéos puis les smartphones ont fait apparaître de surprenantes maladies des pouces, mais est-ce là la signification de « Transformation digitale », tant aimé des patrons contemporains, trouvant là un souffle épique équivalent à la révolution industrielle du 19ème siècle ?
Soyons sérieux deux minutes (deux, pas plus), le digital, anglicisme qui désigne les activités numériques, liées à l’apparition des smartphones puis des smartphones tactiles et en particulier des smartphones tactiles capacitifs (genre généralisé par Apple avec l’Iphone, valorisant les doigts qui courent sur une surface vitrée réactive, comme dans un film de science-fiction), le digital donc a tellement modifié la relation entre les individus et les entreprises, qu’on imagine qu’il lui faut sa transformation.
En réalité, la transformation digitale est la transformation que doivent opérer les entreprises pour s’adapter à un nouveau monde qui les prend un peu de cours, elles qui pensaient que ca ne concernaient que les entreprises telecoms et informatiques se rendent compte qu’un développeur à l’autre bout de la planète peut depuis son garage démarrer une activité qui menace la leur ou qui la menacera un jour prochain.
Face à cette prise de conscience, les entreprises, constatent que « tout va plus vite », sauf bien sûr les battements du coeur, la vitesse de rotation de la planète, le rythme des marées, la fabrication du miel dans une ruche et autres phénomènes qui ont méprisé l’accélération du digital, ce qui les rend un peu suspects aux yeux de certains.
Devant ce constat, il est temps d’agir et les entreprises utilisent l’arme absolue : augmenter la productivité ! Laquelle productivité a déjà bien été poussée dans ses derniers retranchements ces dernières années puisqu’en l’absence de transformation épique, il fallait bien occuper le management des entreprises à quelque chose.
Hélas, augmenter la productivité, c’est à dire, pressurer un peu plus les organisations et les gens est vite apparu difficile, car déjà fait, voire dangereux, l’épuisement étant proche.
Heureusement pour les entreprises, le graal a vite été trouvé : puisqu’on ne peut pas pousser les gens, changeons la méthode. C’est vrai, cela faisait longtemps qu’on n’avait pas changé la méthode. Que nous disent donc les consultants hors de prix que l’on paie très cher à nous dire des choses qu’on sait déjà et que disent aussi quelques hurluberlus dans nos équipes ? La méthode Agile, bien sûr !
C’est beau, c’est chic, c’est moderne ! Parfait, soyons agile, ca au moins c’est concret, il y a des références (un manifeste pondu par 17 geeks il y a plus de 10 ans, des guides, des méthodes, des outils, tout plein de consultants compétents,…), on peut déployer ! Les gens n’ont qu’à apprendre cette nouvelle recette de cuisine et tout reprendra sa place et continuera comme avant. Ouf, on a eu chaud !
On cherche donc les spécialistes du sujet : des coachs agiles, cela s’appelle, parait-il. On les débauche, on se les arrache ! Dingue! La dernière fois qu’on s’est arraché des spécialistes de la méthode, c’était… euh, attendez-donc, laissez-moi réfléchir, euh, en fait, jamais !
Mais que nous disent-ils ces coachs ? Que l’agilité n’est pas une méthode, mais un état d’esprit, qu’on en résout pas tout en déployant, qu’il faut se poser de multiples questions sur les compétences, les équipes, la motivation, la collaboration, le management 3.0, l’autonomie, l’auto-organisation, le servant leadership, le leadership, j’en passe et des meilleures !
Mon dieu, qu’avons nous fait ? Horreur et putréfaction !
Oui, il faut bien se rendre à l’évidence, la transformation digitale, c’est surtout une REVOLUTION !
Mais où va mon commentaire ?